Article rédigé le 25/09/2023
J’ai 34 ans et l’essentiel de ma vie d’adulte j’ai été locataire de mon logement. Il y a quelques années j’ai acheté une maison avec mon ex-femme. Notre séparation a eu lieu 18 mois plus tard.
Aucun lien entre les deux événements.
Dans l’imaginaire collectif une vie réussie c’est avoir un bon travail, être marié, avoir deux enfants, un chien et être propriétaire. Je cochais toutes les cases. C’était la dernière étape. Nous avons trouvé une maison qui remplissait tous les critères : un prix attractif, un peu de travaux, un grand terrain et proche du lieu de travail et de l’école des enfants.
Une fois les clés en main, je n’ai senti ni soulagement ni joie. Pire, je ressentais un mal-être. J’avais la sensation d’avoir un poids sur les épaules. C’était étrange comme sensation.
J’ai mis des années à comprendre d’où venait ce poids. C’était la propriété.
Quand on est propriétaire, on doit prendre soin de son logement. On doit l’investir. On doit s’y investir. Il y a toujours quelque chose à faire. Il faut l’améliorer. Il doit absolument être à notre image et cette image doit être parfaite. Il fait partie de notre identité.
Cette nouvelle responsabilité inverse le rapport de force. Nous ne possédons pas autant le logement qu’il nous possède. Il a le droit de siéger dans nos pensées. Il nous rappelle tout ce qu’il y a à faire. Il nous culpabilise. Il nous rappelle que si nous ne l’actualisons pas, il perd de sa valeur. Il nous enracine plus que nous donne de la liberté.
Bien évidemment, beaucoup de personnes me diront que l’argent donné pour une location est de la pure perte. Financièrement il est plus intéressant d’avoir un emprunt et d’emmagasiner le capital remboursé.
Vraiment ?
Aujourd’hui j’ai un logement en location dans le cadre d’une famille recomposée (ma compagne a deux enfants également). Je me suis projeté en tant que propriétaire de ce logement. Si c’était le cas, je me sentirai obligé de refaire la terrasse, de refaire la salle de bains, de l’agrandir pour que tous les enfants aient leurs chambres malgré des présences partielles. Outre l’agrandissement, les autres travaux ne donneraient pas de valeur au logement. Ce serait de l’argent investi pour ne pas en perdre lors de la revente.
Le temps consacré, le stress généré, les risques, l’argent à investir sont autant d’éléments bien souvent oubliés lors de la réflexion d’achat. En comparaison, en tant que locataire on ne culpabilise pas si la salle de bains n’est pas parfaite. On ne se sent pas jugé si la terrasse est fissurée. Ce n’est pas chez nous. Nous sommes de passage.
Ce temps et cette énergie libérés peuvent être consacrés pour d’autres projets de famille ou des projets professionnels. J’ai le temps d’avoir un emploi, de gérer deux blogs, de m’occuper de mes fils, de passer du temps avec ma compagne. Le jour où nos enfants réclameront plus d’espace, nous déménagerons pour plus grand. Le jour où ils prendront leurs envols, nous prendrons un logement plus petit.
Le lâcher prise du locataire est intéressant dans d’autres sphères de notre vie. En tant que salariés, nous sommes de passage sur le poste. Il est toujours intéressant de s’y investir et de vouloir améliorer l’existant. Cependant, lorsque l’organisation nous freine et que l’idéal visé n’est plus accessible, lâchons prise.
Notre perfection ne sera pas la perfection de notre remplaçant(e). Nous modelons une partie de nos missions en fonction de nos appétences et de nos compétences. La personne qui passera après sera différente. Que restera-t-il de nos améliorations ? Seront-elles poursuivies ? Seront-elles abandonnées ?
Quel bilan sera dressé de notre passage ?
Tant d’heures et de stress sont générés pour tordre notre poste suivant une vision idéalisée. Nous avons la sensation qu’il nous définit. Nous nous projetons en tant que propriétaires alors que nous n’y sommes que locataires. Améliorons-le mais n’oublions pas qu’il ne nous définit pas.
Nous sommes de passage.
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